1.8.11

REVE D'EUROPE

"Si l'État national était la seule forme d'organisation politique pour les Européens, si nous ne savions pas regarder au-delà de lui comme les Grecs ne surent regarder au-delà de la polis, nous n'aurions qu'à constater que nous sommes arrivés à la fin de la civilisation européenne, nous résigner et attendre que notre destin s'accomplisse.

Mais la méthode pour sortir de l'impasse où nos États nous ont acculés existe. Elle est même facile à formuler. Elle a déjà été expérimentée avec succès par d'autres peuples ; il n'y a qu'à vouloir. La solution est dans le principe selon lequel les problèmes, pour être résolus convenablement, doivent être affrontés au niveau où ils se posent. Si les politiques étrangère et militaire, économique et sociale des Européens ne peuvent plus être menées avec succès par les États nationaux, si elles exigent des perspectives, des lois, des actions européennes, il s'ensuit que ces fonctions doivent être soustraites aux États nationaux et confiées à un état fédéral européen doté d'un gouvernement pour administrer les affaires communes, d'un parlement pour voter les lois et les impôts, d'une cour de justice pour garantir le respect du droit.

Un tel transfert de souveraineté ne peut être qu'un acte librement consenti par des nations libres qui renoncent à quelques droits dont elles jouissaient séparément, non pas pour les abandonner à un pouvoir étranger, mais pour continuer à les posséder en commun avec d'autres nations. Ce transfert ne peut donc être accompli que moyennant l'acceptation d'une constitution fédérale écrite, définissant avec précision ce qu'on transfère et à quelles institutions on transfère.[…]

Ce que nos États, nos gouvernements, nos parlements doivent être appelés à accomplir est ce que j'ai appelé une abdication ... En termes juridiques précis nos États doivent être conviés à conclure entre eux un traité -leur dernier traité- établissant une loi électorale européenne, la date des élections d'une Assemblée Constituante Européenne et le mandat donné à celle-ci de définir dans une constitution les organes auxquels sera transféré le pouvoir de légiférer, de gouverner et de dire le droit en matière économique, sociale, militaire et diplomatique... ce même Traité reconnaîtra que chaque nation décidera directement, par référendum populaire de son adhésion à la Fédération. C'est ainsi que chacun de nous sera appelé comme citoyen de son peuple national à décider de la participation de sa nation à la nouvelle communauté".


« La Mission du Congrès du Peuple Européen »
Discours de Altiero SPINELLI du 6 décembre 1957, Turin.

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